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En déjouant le temps, une équipe améliore l'accès à un traitement novateur contre cancer de la prostate métastatique

La Pre Brigitte Guérin (à gauche), professeure-chercheuse à l'Institut de recherche sur le cancer de l'Université de Sherbrooke (IRCUS), en compagnie de Samia Ait-Mohand, Ph. D., et Sébastien Tremblay, Ph. D., les professionnels de recherche ayant relevé les défis et mis au point la production à grande échelle du 68Ga avec des solutions novatrices.
La Pre Brigitte Guérin (à gauche), professeure-chercheuse à l'Institut de recherche sur le cancer de l'Université de Sherbrooke (IRCUS), en compagnie de Samia Ait-Mohand, Ph. D., et Sébastien Tremblay, Ph. D., les professionnels de recherche ayant relevé les défis et mis au point la production à grande échelle du 68Ga avec des solutions novatrices.
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

En 2018, une étude d’envergure a réuni 40 chercheurs du Québec de différentes disciplines autour d’une mission audacieuse : améliorer l’imagerie et le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant aux traitements. Sous la direction de Brigitte Guérin, professeure-chercheuse à l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS), ce projet de recherche vient de se clore, dépassant non seulement les attentes, mais donnant espoir à des centaines de patients.

Le défi technique : la production de traceurs de gallium-68 (68Ga) au cœur d’un projet panquébécois

La première étape de cette initiative consistait à développer des molécules radioactives (traceurs de 68Ga) capables de repérer précisément les métastases et de les caractériser. Ces traceurs de 68Ga devaient être produits à Sherbrooke et transportés vers quatre grands centres de recherche à Québec et Montréal, puis administrés aux patients – une contrainte logistique quasi impossible puisqu’au bout de 68 minutes, la moitié du 68Ga s’est désintégré. Grâce au leadership de Brigitte Guérin, l’équipe a réussi à contourner cet obstacle majeur en développant les technologiques qui ont permis de produire à grande échelle le 68Ga avec un cyclotron, en plus de prolonger jusqu’à 5 h le temps d’utilisation des traceurs radioactifs. Ainsi, les traceurs de 68Ga ont pu être distribués et testés sur des patients à la grandeur de la province.

De plus, la Pre Guérin a choisi de développer un processus de marquage au 68Ga novateur qui permettra de transformer chaque traceur de 68Ga en traitement de radiothérapie de précision injectable, un nouveau type de traitement en plein essor.

La Pre Brigitte Guérin, professeure-chercheuse à l’IRCUS et au Département des sciences de l’imagerie médicale et des radiations à la Faculté de médecine et des sciences de la santé.
La Pre Brigitte Guérin, professeure-chercheuse à l’IRCUS et au Département des sciences de l’imagerie médicale et des radiations à la Faculté de médecine et des sciences de la santé.
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Une percée clinique majeure

Dans l’étude, 98 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant au traitement standard, utilisé pour freiner la maladie, ont été imagés en utilisant une stratégie novatrice à trois traceurs radioactifs : deux traceurs de 68Ga (68Ga-PSMA-617 et 68Ga-DOTATATE) et un traceur de fluor-18 (18F-FDG). Ces traceurs fonctionnent comme des guides précis, rendant possible une cartographie détaillée de toutes les métastases d’un patient, ainsi qu’une analyse de leurs caractéristiques, sans avoir recours à de nombreuses biopsies.

Lorsque le cancer revient après un premier traitement, ou progresse pendant un traitement, les cellules cancéreuses vont souvent muter et se propager pour former des métastases hétérogènes, rendant les traitements inefficaces. Grâce à l’imagerie avec ces traceurs, nous pouvons non seulement localiser précisément les métastases, mais aussi identifier les options thérapeutiques les plus prometteuses.

Brigitte Guérin, professeure-chercheuse à l’IRCUS et à la Faculté de médecine et des sciences de la santé

La stratégie à triple traceurs s’est avérée gagnante pour aider l’équipe à mieux comprendre la complexité de la maladie de chaque patient et permettre aux spécialistes en oncologie et en médecine nucléaire d’adapter le traitement aux caractéristiques uniques des cellules cancéreuses. L’étude a permis de démontrer que plus de 83 % des patients présentent des métastases aux caractéristiques hétérogènes et que cette hétérogénéité est associée à une survie plus courte.

Le plus surprenant pour l’équipe fut que plus de 50 % des patients étaient admissibles à recevoir un nouveau traitement de radiothérapie de précision injectable, le 177Lu-PSMA. Et c’est ainsi qu’avant même que ce traitement novateur ne soit accessible aux patients du Québec, l’équipe a permis à plus de 30 % (30 sur 98) des participants de leur étude d’en bénéficier.

La cible solide développée par la l'équipe de la Pre Guérin qui permet de produire le 68Ga à grande échelle par cyclotron.
La cible solide développée par la l'équipe de la Pre Guérin qui permet de produire le 68Ga à grande échelle par cyclotron.
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Déjouer le temps pour raccourcir les délais de traitement

Dirigée par la Pre Guérin, reconnue à l’internationale pour son expertise, l’équipe a prouvé qu'il est possible de déjouer les contraintes de temps imposées par la désintégration rapide du 68Ga, afin d’offrir une meilleure chance de survie à un plus grand nombre de patients. Grâces à ces avancées, chaque nouvelle production de 68Ga permet de non seulement déjouer le temps, mais également de raccourcir les délais de traitement pour de nombreux Québécois.

À ce jour, l’équipe de recherche de la Pre Guérin est la seule au Québec qui produit de façon massive et routinière le 68Ga par cyclotron, grâce à leurs procédés sur cibles solides brevetés. Deux productions par semaine permettent de générer une grande quantité de traceurs 68Ga qui sont présentement exploités en clinique à Sherbrooke chez plus de 1 000 patients chaque année.

Un leadership et une collaboration exemplaires

Le succès de ce projet repose sur une collaboration étendue entre l’équipe de la Pre Guérin et quatre cliniques oncologiques formées d’oncologues et de spécialistes en médecine nucléaire. Le leadership de l’Université de Sherbrooke, soutenu par de jeunes chercheurs, professionnels de recherche et étudiants, a permis de transformer cette idée ambitieuse en une réalité clinique.

Les résultats obtenus ouvrent la voie à de nouvelles études cliniques, avec l’espoir de développer des thérapies encore plus précises et efficaces. « Nous avons franchi une étape décisive, mais ce n’est que le début. Ces données nous permettent d’envisager un avenir où le cancer sera traité avec une précision et une personnalisation inédite. », conclut Brigitte Guérin.

Ce projet a été réalisé grâce à une formidable collaboration avec les plateformes du Centre de recherche du CHUS, soit : le Centre d'imagerie moléculaire de Sherbrooke pour la production et la distribution des radiotraceurs, l'Unité de recherche clinique et épidémiologique pour la coordination de l'étude clinique et la plateforme informatique CRED pour la base de données.

Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier de l'Oncopole, qui a reçu du financement de Merck Canada Inc. et du Fonds de recherche du Québec – Santé, ainsi que de la Société de recherche sur le cancer (en savoir plus). Un soutien financier majeur de la Fondation du CHUS a permis l'achat d'équipements pour la production des traceurs.

À propos de Brigitte Guérin
- Titulaire de la Chaire Jeanne et Jean-Louis Lévesque de radiobiologie
- Professeure-chercheuse au Département des sciences de l'imagerie médicale et des radiations de la Faculté de médecine et des sciences de la santé
- Professeure-chercheuse à l'Institut de recherche sur le cancer de l'Université de Sherbrooke (IRCUS)
- Professeure-chercheuse à l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS).
- Directrice du Centre d'excellence en imagerie médicale de l'Université de Sherbrooke (CIMUS)
- Codirectrice de l’axe Imagerie médicale du Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)
- Professeure-chercheuse au Centre de recherche du CHUS


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